Contraception orale estroprogestative et risque de thrombose

Contraception orale estroprogestative et risque de thrombose :

faut-il faire un bilan biologique ? QUEL BILAN ?

Actuellement, il n’y a pas de recommandation indiquant la nécessité d’un bilan systématique de thrombophilie biologique avant une première prescription de contraception orale. Ces bilans restent limités aux personnes présentant des antécédents personnels et/ou familiaux de maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV). Ceci se justifie, d’une part par la faible fréquence des facteurs de risque biologiques (FBR) dans la population générale, d’autre part par le fait que l’absence d’anomalie biologique n’exclut pas un risque thrombotique. En effet, 50 % des thromboses restent d’origine inexpliquée sans circonstance génétique ni acquise déclenchante identifiée.

NB : le risque de thrombose veineuse chez une femme est de 2 à 6 fois supérieur en cas de traitement contraceptif oral oestroprogestatif. Cela représente globalement un risque absolu faible de 10/10000 femmes-année (pour comparaison, grossesse : 20/10000).

Bilan de thrombophilie avant mise sous contraception oestroprogestative (OP) : pour quelles patientes ?

L’indication du bilan dépend des antécédents thrombotiques familiaux et personnels de la patiente (tableau 1).

Patientes présentant des antécédents personnels thrombotiques :

Il s’agit en soi d’une contre-indication à la mise sous oestroprogestatifs.

Anomalie biologique déjà identifiée et confirmée chez la patiente : il n’y a pas lieu de refaire la recherche mais il faut s’assurer que le bilan de thrombophilie initial réalisé était bien complet (cf ci-dessous). Sinon, les analyses manquantes doivent être réalisées, le risque thrombotique augmentant en cas d’anomalies combinées.

Anomalies biologiques non encore recherchées chez la patiente : bilan complet de 1ère intention à réaliser.

Patientes présentant des antécédents familiaux thrombotiques sans antécédent personnel (patientes asymptomatiques apparentées au 1er degré) :

Anomalie biologique déjà identifiée chez le cas-index et/ou la famille : dans un premier temps, l’anomalie à rechercher est l’anomalie familiale. Si cette anomalie familiale est retrouvée chez la personne testée, il faut compléter le bilan de thrombophilie afin de rechercher l’association de plusieurs anomalies. Si, en revanche, l’anomalie familiale n’est pas retrouvée chez la patiente, il n’y a pas lieu de compléter le bilan, mais la mise sous OP et le choix de la molécule seront à discuter malgré tout. En effet, l’antécédent familial thrombotique confère à lui-seul un risque augmenté chez les apparentés asymptomatiques ne présentant pas d’anomalie biologique.

Anomalie biologique non connue chez le cas index : il n’est pas recommandé de réaliser un bilan « en aveugle » chez les apparentés au 1er degré sauf dans le cas où le cas index est décédé ou perdu de vue : un bilan complet est alors à discuter (accord professionnel).

NB : la thrombose survient généralement dans les premiers mois après l’introduction de la pilule contraceptive (4 à 12 mois). Ainsi, l’absence d’événement thrombotique chez une patiente qui aurait déjà pris des OP pendant plusieurs années est un argument à prendre en compte également, même en cas d’antécédents familiaux

Patientes sans antécédent thrombotique personnel ni familial

Il n’est pas nécessaire de réaliser un bilan de thrombophilie. L’absence d’antécédents de MTEV familiaux et personnels et l’absence de contre-indications autres permettent une mise sous OP sans bilan biologique de thrombophilie préalable.

Tableau 1 : réalisation d’un bilan de thrombophilie avant mise sous OP selon les antécédents thrombotiques

Antécédents personnels

Antécédents familiaux

Facteurs de risque biologiques (FBR) à rechercher

NON

NON

Pas de bilan

OUI

OUI/NON

Bilan complet

NON

OUI (apparentés 1er degré)

FBR du cas index connu à rechercher :

– si absence : stop

– si présence : bilan complet (anomalies combinées ?)

Recherche de facteurs biologiques de risque : quel bilan ?

S’il est demandé un bilan de thrombophilie de 1ère intention, celui-ci doit être complet et comporter les analyses suivantes :

– dosage fonctionnel (= activité) des inhibiteurs physiologiques : protéine C, protéine S, antithrombine (AT). Le dosage de l’antigène PC, PS ou AT en 1ère ligne n’est pas indiqué : seul le dosage des activités permet de dépister les différents types de déficits (quantitatifs et qualitatifs),

– mutation du facteur V (V Leiden) (ou résistance à la protéine C activée complétée en fonction du résultat par la recherche de la mutation FV Leiden)

– mutation du facteur II (G20210A).

Attention, ces deux derniers examens nécessitent une information au patient et le recueil de son consentement (test génétique).

NB : en cas d’antécédent personnel, un bilan de thrombophilie inclut également la recherche d’anomalies acquises :

– recherche de lupus anticoagulant (anticoagulant circulant de type lupus),

– anticorps anti-cardiolipines et anticorps anti-b2GP1. 

Bilan de thrombophilie dans le cadre d’une contraception orale : à quel moment

– Avant la mise sous contraception orale, afin d’orienter le type et le choix de la molécule chez les patientes présentant des antécédents personnels ou familiaux de MTEV.

– Ne pas réaliser une recherche de facteurs de risque biologique chez les patientes déjà sous oestroprogestatifs : en effet, certains paramètres seront perturbés, donc difficilement interprétables (notamment diminutions de la protéine S et de l’antithrombine). Si en fonction du contexte, il est décidé d’arrêter l’oestroprogestatif et de réaliser un bilan, il faudra attendre un délai de 2 cycles après l’arrêt.

– De même, ne pas réaliser un bilan en cours de grossesse (diminution de l’AT et diminution importante de la protéine S), mais 6 à 8 semaines après l’accouchement si ce bilan s’avère nécessaire.

Bilan de thrombophilie d’une manière plus generale

Un bilan étiologique de thrombose veineuse profonde et/ou embolie pulmonaire doit, de la même façon, être complet. Attention aux interférences des traitements anticoagulants :

– Sous antivitamine K : protéine C et protéine S diminuées (normalisation en 1 à 2 semaines pour la protéine C et en 1 mois pour la protéine S après l’arrêt des AVK) ; interférence également avec la recherche de lupus anticoagulant (ininterprétable si INR > 3) et la recherche de résistance à la protéine C activée.

– Sous héparine : diminution de l’AT (normalisation 10 j après l’arrêt) et interférence avec la recherche de lupus anticoagulant et la recherche de résistance à la protéine C activée.

– Sous traitement par un nouvel anticoagulant oral (dabigatran, rivaroxaban, apixaban) : interférence avec la coagulation en général (allongement du TCA et diminution du TP, interférence avec les dosages de facteurs de la coagulation, PC activité, PS activité, AT activité, RPCa, recherche de LA…).

Principale source : « Le GEHT prend position sur la thrombophilie : recommandations pour la recherche de facteurs biologiques de risque dans le cadre de la maladie thromboembolique veineuse : applications cliniques » STV, vol.21,N°spécial 3-4 octobre 2009, p-5-11.

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