La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le rhumatisme inflammatoire chronique le plus fréquent chez l’adulte. Sa prévalence en France est d’environ 0,3 % (supérieure dans le sud-est) et son incidence, de 8,8 nouveau cas / 100 000 habitants / an. Elle atteint 4 femmes pour un homme et débute généralement entre 45 et 65 ans.
Le diagnostic doit être le plus précoce possible car un traitement de fond instauré tôt peut contrôler l’activité de la maladie et freiner l’atteinte structurale. La décision de mise en route de ce traitement repose sur le degré d’activité évalué par l’intensité du syndrome inflammatoire (VS, CRP), l’existence d’érosions osseuses initiales et la présence dans le sérum de facteur rhumatoïde (FR) et d’Ac anti-CCP (Cyclic Citrullinated Peptide).
Diagnostic de la PR
Il repose sur trois types de critères :
– critères radiologiques : images radiologiques typiques d’érosions, de déminéralisation. Mais L’imagerie pose un diagnostic tardif, les érosions étant déjà observables.
– critères biologiques : syndrome inflammatoire avec augmentation de la CRP et accélération de la VS ; marqueurs de la PR : FR, Ac anti-CCP.
– Critères cliniques : douleurs articulaires plutôt bilatérales, symétriques, articulation chaudes et gonflées, raideur matinale. Mais ces symptômes ne sont pas spécifiques de la PR, imposant un diagnostic différentiel avec une polyarthrite bactérienne, une arthrite réactionnelle (post infectieuse), une connectivite (lupus, etc.), la maladie de Horton…
L’apport de la biologie est donc essentiel à un diagnostic précoce.
Les marqueurs biologiques
A- Facteurs rhumatoïdes
Ce sont des autoanticorps de classe IgM (agglutinants), polyclonaux, dirigés contre le fragment Fc des IgG humaines et animales. Il existe aussi des FR de classe IgG et IgA (non agglutinants).
Attention à la terminologie :
« FR » = « facteur rhumatoïdes »= IgM anti-IgG
« Latex » et « Waaler-Rose » = noms de techniques passés dans le langage « courant » pour désigner les FR, mais qui sont des techniques historiques d’agglutination sur lame : « Latex »: agglutination de particules de latex sensibilisées avec des IgG humaines ; « Waaler-Rose »: agglutination d’hématies de mouton sensibilisées par des IgG de lapin.
Jusqu’à il y a peu, il était habituel d’associer une technique réputée « sensible » (Latex) à une technique réputée « spécifique » (Waaler-Rose). Depuis quelque temps, de nouvelles méthodes de détection des FR ont été développées : ELISA, néphélémétrie.
Les recommandations récentes de la Société française de Rhumatologie (2013) reprenant celles de la HAS (2007) sont de ne plus utiliser les techniques Latex ou Waaler Rose et d’avoir recours à l’ELISA ou la néphélémétrie.
La présence de FR ne signifie pas PR
Les FR sont présents dans de nombreuses autres pathologies auto-immunes, inflammatoires et infectieuses : Gougerot-Sjögren (70-90 %), lupus érythémateux systémique (25-40 %), sclérodermie (20-30 %), périartérite noueuse ou syndrome lymphoprolifératif (10-20 %), maladie auto-immune du foie (10-50 %), cryoglobulinémie mixte (100 %), endocardite infectieuse (30-50 %), leishmaniose (50-80 %), hépatite chronique C (50-75 %), syphilis (15-25 %), infections virales (EBV… : 20-60 %). Ils sont aussi retrouvés chez des sujets « sains » : 1 % avant 30 ans, 5 % entre 30 et 65 ans et 15 % après 65 ans.
B- Anticorps anti-protéines ou peptides citrullinés (anti-ACPA) incluant les anticorps anti-CCP (peptides citrullinés cyclisés)
Les Ac anti-CCP ont une bonne valeur prédictive de PR et ils peuvent apparaître avant les symptômes cliniques. Par ailleurs, ils sont un facteur de mauvais pronostic : le risque d’érosions est augmenté chez les patients ayant des Ac anti-CCP au diagnostic.
Performances diagnostiques : les anti-CCP ont une très bonne spécificité (> 90 %, meilleure que celle des FR) et leur sensibilité augmente avec l’évolution de la maladie : équivalente à celle des FR en début de maladie (comprise entre 41 et 71 %), légèrement meilleure dans les PR établies (de 50 à 88 %). Attention donc au risque de faux négatifs en début de maladie !
Dans le suivi de l’efficacité des traitements, l’intérêt des Ac anti-CCP reste discuté et il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus.
NB : Les Ac anti-kératine, longtemps considérés comme « les marqueurs de la PR », ne sont plus recommandés (HAS 2007) : leur sensibilité est insuffisante et ils ne sont plus remboursés. Ils doivent être remplacés par les Ac anti-ACPA/anti-CCP, très spécifiques et sensibles, précoces, indépendants des FR, prédictifs des formes agressives, et inscrits à la NABM.
Marqueurs biologiques de la PR : stratégie de dépistage
Critères diagnostiques de la PR : ACR / EULAR 2010
Atteinte articulaire |
Score |
1 grosse articulation*2 à 10 grosses articulations1 à 3 petites articulations
4 à 10 petites articulations > 10 articulations dont au moins 1 petite |
0 1 2 3 5 |
Marqueurs sérologiques | |
FR et ACPA négatifsFR ou ACPA faiblement** positifsFR ou ACPA fortement*** positifs |
0 2 3 |
Marqueurs de l’inflammation | |
VS et CRP normalesVS ou CRP anormales |
0 1 |
Durée des symptômes | |
< 6 semaines≥ 6 semaines |
0 1 |
* grosses articulations : épaules, coudes, hanches, genoux, chevilles
** faiblement positif : > seuil mais < 3 x le seuil
*** fortement positif : > 3 x le seuil
Une PR est diagnostiquée si le score est ≥ 6.
FR et anti-ACPA en phase diagnostique
Il existe désormais un consensus scientifique autour de la valeur de ces marqueurs : l’association FR + anti-ACPA permet d’obtenir une meilleure sensibilité en dépistage. Un résultat quantitatif est nécessaire pour ces deux marqueurs.
A l’heure actuelle, il n’existe pas de recommandations quant à leur prescription en suivi.
Marqueurs biologiques du diagnostic différentiel
Attention, la présence de douleurs articulaires ne signifie pas PR. Il importe donc de poser un diagnostic différentiel avec une infection virale (parvo B19) ou bactérienne (Lyme, gonocoque, streptocoque) en cas de fièvre, avec une maladie chronique inflammatoire de l’intestin en cas de signes digestifs, avec un rhumatisme psoriasique, un lupus, une sclérodermie… en cas de signes cutanés, ou encore avec une maladie de Behcet, une spondylarthite ankylosante, une maladie de Horton… en cas de signes oculaires.
Bilan biologique minimal d’une PR
Il inclut NFS, ALAT, ASAT, créatininémie, anticorps anti-nucléaires (+/- anti-ADN natif et ENA) et ponction articulaire en cas d’épanchement, VS et CRP, FR et Ac anti-ACPA.
A retenir
Le diagnostic précoce de la PR est indispensable et le rôle de la biologie est pour cela essentiel, avec comme marqueurs, les FR (ne plus utiliser les techniques d’agglutination, mais les techniques ELISA ou néphélémétrique) (attention, marqueurs non spécifiques de la PR) et les Ac anti-ACPA (peptides / protéines citrullinés), spécifiques de la PR et précoces. Un résultat quantitatif est nécessaire pour ces deux marqueurs.